Fiscalité du ZAN : le Conseil des prélèvements obligatoires a rendu sa copie

ZAN

© Capture vidéo Sénat/ Patrick Lefas

L’atteinte de l’objectif zéro artificialisation nette (ZAN) rend plus urgente, voire inéluctable, une refonte de la fiscalité locale, notamment foncière. Le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO), à la demande de la commission des finances du Sénat, s’est livré à une étude sur le sujet qui a été présentée ce 26 octobre. De premières mesures pourraient être prises sans tarder, tandis que d’autres appellent des évolutions structurelles sur un plus long terme.

“Le chemin qui reste à parcourir pour mettre en cohérence la fiscalité locale et l’objectif ZAN [zéro artificialisation nette] est encore long”, le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) n’avait donc pas la prétention dans le court délai qui lui était imparti d’épuiser le sujet, reconnaît avec humilité son vice-président Patrick Lefas, d’autant qu’il avançait sur un terrain quasi-vierge et “mal documenté”. Les conclusions de l’étude menée par l’antenne de la Cour des comptes à la demande de la commission des finances du Sénat pour faire suite au rapport de contrôle budgétaire de Jean-Baptiste Blanc sur les outils financiers de l’objectif ZAN (voir notre article du 30 juin 2022) ont été dévoilées, ce 26 octobre, devant leur commanditaire, à quelques jours de l’examen du projet de loi de finances (PLF) 2023 par la Haute Assemblée, ce qui devrait permettre de nourrir des amendements sur cette problématique. La saisine du CPO portait sur deux questions : l’objectif du ZAN va-t-il modifier les recettes fiscales des collectivités territoriales et des groupements ? La fiscalité locale peut-elle envoyer un signal-prix aux acteurs économiques pour faciliter l’atteinte de l’objectif ZAN ?

Un travail de longue haleine

“Vous ne pouviez pas présenter un grand soir de la fiscalité locale en deux mois”, en a convenu le rapporteur spécial, Jean-Baptiste Blanc, tout en saluant les très nombreuses pistes proposées par le CPO, à travers une dizaine de recommandations. Certaines peuvent recevoir une mise en oeuvre immédiate, notamment à partir de taxes existantes encore peu mobilisées par les élus locaux. D’autres appellent en revanche des évolutions à plus long terme et nécessitent un “changement de paradigme” et des travaux complémentaires. “Il ne faut pas confondre vitesse et précipitation”, a insisté Valérie Létard, présidente de la mission conjointe de contrôle relative à la mise en application du ZAN, dont les travaux sont également très attendus, en distinguant “les sujets simples sur lesquels on peut avancer rapidement et d’autres où il faut mesurer l’impact de chacune des propositions que nous ferons”.

La contribution du CPO vient compléter le récent rapport remis par la Cour des comptes sur les scénarios de financement des collectivités territoriales (voir notre article du 12 octobre 2022), dont il reprend d’ailleurs certaines propositions. La question de la différenciation y est abordée “en essayant d’avoir une palette d’outils la plus ouverte laissée à la disponibilité des élus et exécutifs locaux”, indique Claire Falzone, conseillère référendaire, qui fait partie du trio de rapporteur du CPO. Celui-ci s’est pour l’instant concentré sur un périmètre qui représentait en 2021 un total de 65,4 milliards d’euros, soit un peu plus du tiers des impôts et taxes perçus par les collectivités.

Pas de signaux positifs ou négatifs de la fiscalité locale sur l’artificialisation

De l’expertise de l’Inra et de l’IFSTTAR conduite en 2017 sur le processus d’artificialisation, et des échanges sur le terrain, l’étude tire un premier constat : la fiscalité locale n’est qu’un déterminant “marginal” et n’envoie pas particulièrement de signaux en la matière. “Le poids économique de la fiscalité locale qui représente 5% des charges dans une opération immobilière ne peut avoir pour effet d’influencer de manière significative les décisions d’artificialisation”, explique Patrick Lefas. A l’inverse, elle ne comporte pas davantage d’incitation en faveur de la renaturation ou de la conservation en l’état d’une parcelle non artificialisée. Le CPO ouvre toutefois une fenêtre de tir, convaincu qu’à court terme, “des dispositifs fiscaux ciblés peuvent favoriser la mise en œuvre du ZAN”.

Pour envoyer un signal-prix, il recommande de supprimer le critère du nombre d’habitants (ville de plus de 50.000 habitants) pour la taxe sur les logements vacants et la majoration de taxe d’habitation sur les résidences secondaires, tout en conservant le critère de tension sur le marché immobilier. Et propose également de fusionner les deux taxes sur les logements vacants en une taxe unique transformée en impôt local. Sur le recyclage urbain, les outils fiscaux existants apparaissent aujourd’hui peu sollicités et souvent moins incitatifs que les instruments budgétaires.

En termes de méthode le CPO privilégie donc “une boite à outils optionnelle” laissée à la main des exécutifs locaux et évaluée périodiquement. Pour cela, il est proposé d’inscrire à l’ordre du jour des assemblées municipales et communautaires, dans le cadre du rapport triennal sur l’artificialisation des sols, un débat portant sur le recours aux instruments fiscaux d’urbanisme concourant à l’objectif ZAN. Une autre recommandation porte sur les exonérations et abattements appliqués à la fiscalité locale, qui devraient être réservés aux opérations sur zones déjà artificialisées, en particulier les opérations de recyclage urbain.

Accompagner la redistribution des recettes foncières 

Les rentes engendrées par un foncier plus rare devront être “mutualisées”, souligne le CPO, qui préconise sur le moyen terme, d’augmenter le taux de la taxe locale sur les plus-values de cessions de terrains nus rendus constructibles et d’envisager la suppression de la clause “des 18 ans” au delà de laquelle ces plus-values sont aujourd’hui exonérées. On peut en effet s’attendre à ce que les impacts du ZAN au niveau local soient “très contrastés” entre les collectivités, relève-t-il.

La territorialisation des droits à artificialiser redistribuera entre collectivités la dynamique des recettes fiscales, et bousculera aussi les dotations de l’Etat, la DGF (dotation globale de fonctionnement) corrélée au développement des communes au premier chef. L’étude attire donc l’attention sur la nécessité d’intégrer les effets du ZAN dans les mécanismes de solidarité et de péréquation horizontaux et verticaux. La dotation budgétaire de soutien aux communes “pour la protection de la biodiversité et la valorisation des aménités rurales” créée en 2019 est citée en exemple. Il y a bien là une faille : “la valeur marchande d’un terrain non artificialisé ne reflète pas sa contribution systémique”.

Dans le même esprit, le CPO recommande d’articuler l’objectif ZAN avec les réflexions en cours sur la refonte des systèmes de financement des collectivités. Ainsi dans le sillage des travaux de la Cour des comptes, il envisage l’affectation des DMTO (droits de mutation à titre onéreux) au bloc communal et d’étudier la pertinence de taux variables de DMTO en fonction du caractère artificialisant des opérations immobilières. Les effets du ZAN doivent a minima être intégrés dans les projections réalisées pour la refonte des valeurs locatives cadastrales pour prévoir “des mesures de correction ou de compensation si les résultats vont dans un sens contraire à cet objectif”, soutient également Patrick Lefas.

Affiner la connaissance des impacts financiers du ZAN

Le CPO insiste sur ce travail de chiffrage qui devra être réalisé par les administrations compétentes, également pour identifier les pistes de financement envisageables. Pour l’heure, on dispose d’un “aperçu partiel” sur le seul périmètre de l’évaluation du coût de réhabilitation des friches conduite par le cabinet Carbone 4 à la demande de la Fédération nationale des travaux publics (FNTP), avec une fourchette large comprise entre 77 et 106 milliards d’euros. “En l’absence d’un tel chiffrage, toute réflexion sur une éventuelle taxe ZAN serait très prématurée”, relève Patrick Lefas. En revanche, il pourrait être utile d’étendre à l’ensemble du territoire la couverture géographique des établissements fonciers (sont concernées Bourgogne-Franche-Conté et Centre-Val de Loire) et de la taxe spéciale d’équipement qui leur est affectée. Il est donc possible d’utiliser davantage la fiscalité locale pour encourager les comportements favorables au ZAN, appuie pour conclure le CPO, “mais il faut s’assurer de l’efficacité et de l’acceptabilité de ce levier”.

La taxe d’aménagement présente des caractéristiques intéressantes qui pourraient en faire un instrument adapté à cet objectif, comme le montrent plusieurs modifications récentes à travers le zonage de taux. C’est pourquoi le rapport recommande d’étudier la pertinence d’un système de bonus-malus dans le calcul de la taxe d’aménagement pour favoriser les opérations de dépollution ou de réaménagement et taxer davantage les opérations artificialisantes. Ce type de mécanisme pourrait faire des petits et s’étendre à d’autres taxes locales, qu’il s’agisse des impôts de stock (taxes foncières) ou de flux (DMTO).

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